Homélie Gaudete 2025
14 décembre 2025 - Cathédrale Saint Pierre hors les Murs
À quelques centaines de mètres d’ici, une maison d’Arrêt !
Une prison, des prisonniers, un personnel carcéral !
Une prison, ici à Vannes, place Nazareth, qui donne sur la Place de la Libération !
A l’occasion du jubilé des Détenus, la Conférence des évêques de France vient de publier un document qui met le focus sur leur situation particulière. Ils font un diagnostic sur la vie carcérale dans notre pays et invitent toutes les personnes de bonne volonté à s’engager au service de l’Espérance pour les détenus !
Pas si simple au milieu d’une actualité difficile ! Ordre et justice ! Vérité et Miséricorde !...
Dans l’Evangile, Jean-Baptiste est en prison ! Il entend parler des œuvres de Jésus et il questionne : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jean-Baptiste a des doutes ! Enfermé, il a le temps de réfléchir et de s’interroger sur lui-même : « Que reste-t-il de cette vie où j’ai cru tout donner ? Ai-je parlé dans le désert, me suis-je trompé ? Aurai-je dû esquiver la vérité, ménager mes propos … ?»
Le temps de la prison pour Jean-Baptiste est un temps d’examen de conscience. Il en est de même pour toutes les personnes incarcérées, et l’actualité récente nous en a donné un éminent exemple… mais ce n’est pas le lieu d’en dire plus.
À la lumière du propos de nos évêques, nous pouvons analyser notre propre pensée sur les prisonniers d’aujourd’hui et sur l’ambiance générale du système carcéral. Si la Justice doit légitimement sanctionner crimes et délits, la loi pose le principe d’une peine qui vise à prévenir leur réitération et à réinsérer leurs auteurs. Choisir de restaurer dans leur humanité ceux qui ont failli en les aidant à assumer leur responsabilité et à envisager un nouvel avenir, c’est l’intérêt de toute la société, à commencer par les victimes.
Or, les prisons débordent, car notre société produit de la violence dont les causes sont multifactorielles : chômage, violences familiales ou psychologiques, rivalités exacerbées sur les réseaux sociaux, etc. Trop de jeunes livrés à eux-mêmes tombent dans les trafics de drogue et plongent tout droit dans l’engrenage de la violence, puis de la prison. Certains, parmi eux, dépourvus de tout sens moral, poursuivent leurs trafics du fond de leur cellule, mais beaucoup d’autres, heureusement, à l’image de Jean-Baptiste, s’interrogent, doutent d’eux-mêmes, et acceptent ce temps d’isolement contraint comme un temps de réflexion. De plus, beaucoup parmi eux, savent bien qu’ils ont failli et ils sont désireux de retrouver une nouvelle vie pour peu qu’on les aide… Ils se remettent aux études, lisent, écrivent, saisissent les opportunités de stage qui leur sont proposées. L’espérance renaît dans leur vie.
Dans l’évangile, nous voyons les disciples rendre visite à Jean. Remercions les Visiteurs et les aumôniers de prison (nous en avons dans notre paroisse) pour le service social et amical qu’ils rendent aux prisonniers et indirectement à leur famille. Rappelons-nous ce qu’écrit Matthieu au chapitre 25 de son évangile « j’étais en prison et vous m’avez visité » Sans tous ces visiteurs la prison serait encore plus dure à supporter.
Ayant rendu visite à Jean, les disciples reviennent vers Jésus et lui demandent « Es-tu le Messie qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? », Jésus ne donne pas de grandes explications. Il leur suggère simplement d’observer, de regarder, de voir ce qui se passe : « Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ».
Jésus dit ce qu’Il fait et Il fait ce qu’Il dit ! La simplicité et la crédibilité de son existence rendent sincère son propos. Jésus ne donne pas seulement des signes. Il est lui-même, par excellence, le Signe du Royaume.
Mais Il renvoie la lumière sur Jean-Baptiste en disant qu’il est bien plus qu’un prophète : il est le « Messager », il est celui qui annonce, celui qui est missionnaire, celui qui transmet ce qu’il a reçu.
L'éloge appuyé de Jésus envers Jean a un but : montrer que Jean est le témoin fidèle qui s’est effacé, qui a consenti à « diminuer » pour que ses disciples, et nous aujourd’hui, nous ne nous trompions pas de route. Jean est celui qui ouvre la voie au Christ, mais c’est le Christ qu’il faut suivre.
D’une certaine prison, place Nazareth, à la place de la Libération, nous sommes convoqués à l’espérance !
Dans l’évangile, ceux qui, hier, étaient aveugles découvrent la lumière de la foi, les paralysés pris par le doute ou la peur se mettent en marche. Prenons le temps de contempler les signes de Dieu à l’œuvre dans nos vies et dans le monde, car le Royaume de Dieu s'accomplit toujours au milieu de nous.
Soyons les Jean-Baptiste d’aujourd’hui : de ceux qui restent et demeurent en relation et en questionnement, y compris et surtout, dans les nuits et les combats de nos existences… Des hommes et des femmes qui savent « diminuer » leur « ego » pour laisser le Christ grandir en eux et le transmettre « aux captifs » pour leur « libération ! ». De ceux qui savent que le « tout carcéral » est une impasse et que le Seigneur, Lui seul, peut nous sauver. En ce dimanche de « Gaudete », restons dans la joie et l’espérance parce que rien, pas même la prison, ni la mort ne peut nous séparer de l’amour qui vient de Dieu. AMEN.
P. Patrice Marivin