28ème dimanche du temps ordinaire (C)
Frères et sœurs,
Ce matin, si je vous demandais : – Pourquoi sommes-nous venus à la messe ? Tiens oui, pourquoi, pourquoi est-ce que je viens à la messe ?
Je ne doute pas que chacun aurait sa réponse, mais ce n’est ni le lieu, ni le moment d’une telle consultation. Alors plutôt que d’écouter la réponse de chacun à cette question « Pour-quoi je viens à la messe ? » nous pourrions peut-être tomber d’accord et nous dire que c’est parce que nous avons vraiment besoin d’espérance, de raisons d’espérer !
Une bonne raison ? Regardons le chœur ! Regardons ces servants d’autel, ces servantes d’assemblée…Oui, ils ont répondu, à leur façon, à cet appel que Jésus leur lance : – veux-tu me suivre ?
Nous-mêmes dans le contexte actuel, nous pouvons penser que que le monde se porte mal, confronté qu’il est à la gravité de certains défis qui peuvent nous inquiéter. Et parfois même, c’est chez nous que survient…le deuil, la souffrance, l’échec, la maladie.
Alors frères et sœurs, qui viendra à notre secours ? Qui « aura pitié de nous » ? Qui viendra nous sauver ? Qui viendra nous guérir de nos lèpres, de nos péchés et même de la mort ?
A cette question, la réponse de Léon XIV est parfaitement claire : « Jésus seul vient nous sauver ! ».
Et les textes de la liturgie de ce jour, nous parlent de guérisons. Guérisons de cette lèpre qui malheureusement paraît très contagieuse. Les textes de la liturgie insistent sur cette bonne nouvelle du Salut et nous rappellent bien que nous sommes tous appelés à recevoir le Salut en Jésus-Christ.
Oui, le Messie promis et tant attendu depuis des siècles, le descendant de David, nous le connaissons. C’est Jésus. Et c’est Lui, Celui qui guérit et Celui qui sauve. Il a sauvé hier ces dix lépreux. Il les a guéris. Aujourd’hui, il nous guérit. Aujourd’hui sa puissance de Résurrection se manifeste en nous. « Il est notre salut, notre gloire éternelle » comme nous le chantons parfois. Paul aura beau être enchaîné comme il l’écrit dans sa lettre à Timothée, mais rien ne nous séparera de l’Amour du Christ, de sa Parole de Salut qui est chemin de Vérité et de Vie. Une telle parole ne peut être enchaînée. Et cette Parole de Salut finira tôt ou tard par briller en pleine lumière, nous pouvons l’espérer ! Et d’ores et déjà, nous même, cette Lumière nous l’avons reçue le jour de notre baptême. Le salut en Jésus-Christ « est une parole sûre ». Et Paul poursuit « avec Lui nous vivrons…avec Lui nous règnerons ». Le Christ nous fait membre de son Royaume par ce grand mystère du baptême où nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ…Voilà nos enfants de lumière ceux qui sont appelés, avec nous, à régner avec le Christ. Oui, rien ne pourra nous séparer de la Lumière du Christ, même pas la lèpre ou le péché – sauf bien sûr si nous renions son plan d’amour.
Nous le savons la lèpre, c’est une maladie honteuse, qui heureusement a fini par reculer dans le monde. Elle est très contagieuse et c’était une malédiction pour ceux qui en étaient atteints. On les mettait au rebus, ils vivaient reclus, loin de tout contact, privés de toute relation sociale. C’était une véritable mort, ils vivaient comme des morts-vivants.
Alors, revenons à ces récits de guérison car ils ont des choses à nous dire. Dans ces deux récits, qu’il s’agisse de Naâman - le Syrien dans la première lecture, ou bien des dix lépreux de l’Evangile, dans les deux cas, on peut noter que la guérison n’opère pas sur le champ, immédiatement. Il y a un temps laissé entre la consigne de guérison qui est donnée, et la guérison elle-même. Il y a un temps. De la même façon, dans ces conseils qui sont prodigués, il n’y a pas la moindre prière, le moindre geste, ni même une formule de guérison et pourtant…nos lépreux sont guéris. Ils sont guéris parce qu’ils sont entrés dans cette démarche de foi : ils ont cru en leur guérison sans savoir ni quand, ni comment, elle pourrait arriver !
Dans l’Evangile, Jésus dit simplement aux dix lépreux : « allez vous montrer aux prêtres ». Ça paraît si simple et déconcertant ! En cela, il ne fait que leur rappeler la procédure légale en vigueur : il fallait que le prêtre – qui était aussi médecin, constate la guérison pour que la personne impure soit réintroduite dans la communauté.
Dans la première lecture - même si ce passage ne figure pas, Naâman se demande finalement lui aussi si Elysée le prophète de Dieu, le prend vraiment au sérieux : Quoi, j’ai fais tout ce voyage depuis Damas pour aller me plonger dans ce petit fleuve du Jourdain ! Mais finalement…Naâman le général Syrien fini par obéir, lui le chef, à cet ordre tout simple : Par sept fois, il se plonge dans le Jourdain et il en sort guéri !
Alors que nous enseignent ces récits de guérison ?
1°) La première chose je pense, c’est que l’Amour de Dieu est pour tous. Son Amour est sans repentance, il est toujours fidèle, il est sans mur et sans séparation. Tous sont concernés : les juifs comme les païens, les syriens comme les samaritains, les lépreux comme ceux qui se croient bien portants, les gens humbles comme ceux qui se croient plus importants. Oui, l’Amour de Dieu est universel. Il déborde largement le cadre du peuple élu. Le peuple certes, choisi par Dieu, Israël, mais qui ne doit pas se comporter comme un fils unique, mais bien plutôt en frère aîné : son rôle, c’est d’annoncer l’Amour de Dieu à toutes les nations, à tous les peuples. Littéralement même, de « crier » la victoire et de chanter les merveilles du Seigneur à toutes les nations. C’est bien ce que nous venons de chanter si bien dans le psaume. Car à l’inverse des rois de la terre, avec lesquels on peut subir les plus grandes turpitudes, depuis que le Fils de Dieu s’est incarné, nous savons que le Règne de Dieu à déjà commencé ! Jésus s’est livré par amour pour nous. Il a inauguré le Royaume des Cieux pour nous donner part à la joie du ciel, et à tous, si nous y adhérons…librement.
2°) Deuxièmement, je pense que nous pouvons retenir que la guérison c’est le fruit d’une réponse obéissante, confiante à la Parole de Dieu (ou du prophète qui en est le porte-parole). Oui, c’est bien parce que les lépreux ont suivi le conseil donné, - j’allais dire « l’ordonnance » - qu’ils ont pu être guéris ; Naâman se plonge sept fois dans le Jourdain, les lépreux vont se mettre en route pour se montrer aux prêtres. Ils ont fait, tout ces lépreux, preuve d’une obéissance libre et confiante. Ils ont dû faire un pas dans la foi, en acceptant de se tourner vers un autre - plus grand qu’eux, qu’ils appellent humblement « Maître » - qu’il s’agisse d’Elisée ou de Jésus. Ensuite, ils ont dû obéir à la Parole, malgré sa simplicité déconcertante ! La simplicité de ce qu’il leur fallait accomplir, qui va quelque part au delà notre entendement humain. Oui c’est un chemin qui demeure inaccessible à l’orgueil humain. C’est bien en accueillant la promesse de guérison qui leur était faite, avec une pleine confiance, qu’ils ont été sauvés de leur maladie. Ils ont su obéir, au sens biblique du terme, qui vient du latin ob-audire, c’est à dire entendre-écouter avec confiance…pour respecter la parole. Ils ont vraiment écouté, ils ont mis en pratique pour devenir ce que le Seigneur les appelait à être, des hommes debout !
Et d’ailleurs, Naâman, une fois guéri n’est pas ingrat. Il retourne bien vite chez Elisée pour lui dire : « désormais, je le sais : il n’y a pas d’autre Dieu sur toute la terre, que celui d’Israël – Je t’en prie accepte un présent de ton serviteur ». Mais Elysée n’accepte pas de cadeau car ce n’est pas lui qui guérit, mais bien Dieu seul. Les dons de Dieu ne s’achètent pas. On n’est jamais quitte de ce que Dieu nous donne gratuitement. Alors, la seule manière de remercier Dieu, c’est de lui dire toute notre reconnaissance. Reconnaître, que tout ce que nous avons, vient de Lui !
3°) Et c’est bien le troisième enseignement de ces guérisons : Être reconnaissant pour accueillir le salut de Dieu. Oui, nous même, comment glorifions-nous Dieu, comment Lui rendons-nous grâce ? Il faut suivre ce chemin du samaritain. Ce chemin du samaritain qui le guide vers Jésus lui-même, qui le retourne. Ce samaritain qui fait demi-tour dans le récit. C’est un retournement dans la Parole, mais c’est un retournement surtout pour sa propre vie ! Le retournement qu’il fait, c’est une véritable conversion dans laquelle il reçoit le Salut du Christ. Oui il n’a pas complètement obéi à Jésus, mais l’entorse qu’il fait, va le conduire à se prosterner devant Dieu. Effectivement, on ne se prosterne pas devant n’importe qui. La prosternation c’est un geste précis que l’on ne fait que devant Dieu. « Il se jette face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce ». Voilà la rencontre, voilà la reconnaissance et le Salut offert en Jésus-Christ ! Il n’a plus besoin de certificat médical de guérison. Jésus lui dit : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ! ».
La santé physique et le salut ne sont pas tout à fait sur le même plan. Le samaritain a reçu le Salut, la Vie en plénitude, la Vie éternelle ! Et les neuf autres justement qui ont été guéris, « où sont-ils ? » demande Jésus. Ils n’ont pas fait demi-tour. Ils sont contents, ils sont guéris, ils ont bien raison de l’être, mais ils ont manqué quelque chose de plus important que la guérison, et c’est bien dommage pour eux car le Salut était à leur portée. Il leur aurait fallu retourner sans tarder, dire « merci », rendre grâce pour le don (la guérison) qui leur était fait. Car le Salut va au-delà de la guérison physique, le Salut prend notre être tout entier dès ici-bas et il anticipe la Résurrection. Mais ils n’ont pas reconnu le Messie, ils sont allés accomplir les prescriptions de la Loi sans même prendre le temps…de l’action de grâce !
Alors, Frères et sœurs, est-ce que nous même, nous savons prendre le temps de rendre grâce ? Savons-nous rendre grâce ? Savons nous dire « merci » à Dieu à qui nous devons tout : la vie, le mouvement, l’être, l’air que nous respirons et toute la création ? La question mérite d’être entendue car l’enjeu est de taille, il y va de notre salut.
Alors je vous dirai bien volontiers – qu’ici et maintenant – dans cette Eucharistie, nous nous y appliquons à cette « action de grâce » avec une certaine excellence. Eucharistie signifie précisément « action de grâce ». C’est un « Merci » à Dieu. Si bien que nous pourrions dire, plutôt que de dire je vais à la messe, nous pourrions dire : je vais à la « Merci - Dieu » !
Pour terminer, permettez-moi de citer Léon XIV qui s’adressaient le 25 août dernier aux servants d’autel dont certains, parmi nous, étaient présents à Rome : « De dimanche en dimanche, l’Église célèbre la Messe, pour se souvenir de ce que son Seigneur a fait pour elle. (…) Jésus donne encore sa vie sur l’Autel, Il verse encore son Sang pour nous aujourd’hui. La célébration de la Messe, nous sauve aujourd’hui ! Elle sauve le monde aujourd’hui ! Elle est l’événement le plus important de la vie du chrétien et de la vie de l’Église, car elle est le rendez-vous où Dieu se donne à nous par amour, encore et encore. Le chrétien ne va pas à la Messe par devoir, mais parce qu’il en a besoin, absolument ! ; le besoin de la vie de Dieu qui se donne sans retour ! ». Oui, telle est notre foi, telle est notre espérance !
Tournons-nous humblement vers le Père et demandons-Lui qu’Il nous donne de savoir reconnaître toute la Bonté qu’Il manifeste dans nos vies…avec ce cœur – peut-être de lépreux – mais que le Seigneur viendra toucher, viendra guérir et il pourra nous redire « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ». Amen.
P. Louis-Henri CHOUANE