Homélie 18ème dimanche ordinaire C
Au cœur de cet été, la parabole d’évangile que nous venons d’entendre sonne à nos oreilles comme un appel à l’essentiel !
Notre regretté Pape François dirait aisément que c’est un appel à « vivre la sobriété heureuse ! » Laisser de côté ce qui est inutile et encombrant pour ne garder que ce qui est vraiment important.
- Qu’est-ce qui est pour moi important dans la vie ?
- Qu’est-ce qui est vraiment essentiel ?
- Qu’est ce je laisserai derrière moi au soir de ma vie ?
- Qu’est-ce que Dieu me dira quand tout basculera pour moi au terme de mon existence ?
Dans la parabole, Jésus nous décrit le comportement d’un homme tout préoccupé de lui-même. Il accumule des biens matériels par souci de sécurité, pour pouvoir jouir égoïstement jusqu’à la fin de sa vie. Mais ce qui a attiré mon attention c’est l’instinct de possession qui accapare cet homme riche : « ma récolte, mes greniers, mon blé, mes biens » et son auto-suggestion : «Je me dirai à moi-même ».
Se parler à soi-même pour se complaire, se glorifier de sa réussite matérielle et sociale, et ainsi, devenir sa propre référence jusqu’à s’ériger en objet de contemplation ! D’une certaine manière, c’est l’effet Narcisse.
A la fin de la parabole, quand Dieu dit à cet homme riche et insensé : «Tu es fou : cette nuit même on va te demander ta vie », Jésus veut nous faire comprendre, qu’en fait, cet homme était déjà « mort ». Mort socialement d’abord, parce replié sur lui-même dans son opulence, ne pensant qu’à lui ; puis mort spirituellement, parce que les richesses matérielles qu’il a accumulées ne sont pas une monnaie d’échange pour la vie éternelle.
Notre société moderne encourage une forme d’individualisme. Elle voit en chacun de nous un consommateur, un producteur, un contribuable. Ce que chacun désire devient dans son esprit un droit lorsqu’il a perdu toute référence à l’autre. Il ne recherche plus le bien commun, mais la satisfaction de ses désirs. C’est l’auto-référencement par excellence !
«Vanité des vanités, tout est vanité ! » nous dit la première lecture.
J’ai été rechercher la signification, en Hébreu, de ce mot « vanité », et il est étonnant de découvrir qu’il signifie aussi : néant, rien, mensonge,futilité, idoles. Agir avec vanité c’est donc « agir de façon futile, vaine et stérile ».
Ce ne sont pas les biens que je possède qui posent problèmes, ce ne sont pas les choses matérielles en elles-mêmes qui sont en cause, mais c’est l’usage que j’en fais qui est primordial voire essentiel.
Vouloir être riche uniquement pour soi-même, par avidité ou par orgueil, c’est de la vanité et c’est ce que dénonce la parabole de ce dimanche.
- Il n’est pas facile de passer de «mes greniers », à «tes greniers » puis à nos «greniers » ;
- Il n’est pas évident de passer de «mes biens » à «tes biens » et «nos biens » ! Cela demande une conversion !
En préparation de mariage, je pose toujours la question au couple, du rapport de chacun et de son histoire propre à l’argent, aux biens, au partage et à la mise en commun. Les réponses sont intéressantes !
Dans notre monde qui a peur de demain, peur de la maladie, peur de mourir, et qui parfois, ne croit plus au ciel, le risque est grand de vouloir tout garder pour soi, d’accumuler et de profiter à tout prix. Le risque est grand aussi de tout vouloir tout de suite, ou de vouloir tout faire, très vite, trop vite, sans réfléchir sans trop penser à l’autre et aux autres !
Goûtons et savourons la vie qui nous est donnée ! Saint Paul ne dit pas autre chose dans la deuxième lecture. L’homme nouveau, qui a déjà tout reçu et à qui il ne manque rien d’essentiel, c’est chacun de nous, baptisé, habité de la nouveauté de Jésus ressuscité. Notre avenir n’est pas sur terre mais dans le ciel, auprès de Dieu pour reposer en lui éternellement.
Accueillons donc dès maintenant la richesse de l’amour de Dieu pour nous. Aimons-nous les uns les autres pour ce que nous sommes devant Dieu, bien avant ce que nous valons socialement par nos richesses ! Soyons riches « autrement » que par l’argent, riches par nos relations nées du partage, du don, du service et de la générosité.
Sûrs de l’amour gratuit de Dieu pour nous, demandons lui :
- La grâce d’un juste discernement sur ce que nous avons, et sur ce que nous possédons…
- La grâce et la joie de savoir partager et de rectifier si besoin les freins, les peurs qui nous maintiennent dans la possession égoïste.
- Demandons la grâce de la «sobriété heureuse » pour notre vie.
AMEN.
P. Patrice Marivin