Homélie du 5 novembre 2023

Homélie 31^ème dimanche du Temps Ordinaire (A)

Après les tempêtes successives de ces derniers jours, nous pouvions espérer une accalmie mais ce sont les textes de la liturgie qui nous décoiffent ce matin !

En effet, si vous y avez prêté attention, dans la 1^ère lecture, le prophète Malachie n’est pas tendre avec les prêtres et le peuple. De plus, dans l’Évangile, Jésus insiste lourdement sur la décadence des pharisiens de son temps.

Cette tempête biblique ne concerne-t-elle que les interlocuteurs de l’époque ou bien vient-elle aussi frapper les rives de nos cœurs aujourd’hui ?

A bien y regarder, on se rend rapidement compte que, tant le prophète Malachie que Jésus, nous parlent d’abus d’autorité.

• Tout d’abord les prêtres, qui « agissent avec partialité dans l’application de la Loi ». Finalement, ils utilisent la Loi de Dieu pour leur propre confort. Non pas comme une loi du don de soi mais comme une loi de l’accaparement (des biens ou des personnes). Ce qui est précieux pour nous aujourd’hui c’est que Malachie pointe la cause de cette déviance : si vous n’écoutez pas, si vous ne prenez pas à cœur de glorifier mon nom. Voilà la mission première du prêtre, celle qui doit être plus importante que toutes les autres : se mettre à l’écoute de Dieu et glorifier son nom. Ce n’est pas une mission spectaculaire et pourtant c’est cela que le Seigneur attend de ses prêtres.

• Jésus va préciser encore les chose et nous montrer tous les pièges dans lesquels peut conduire l’autorité des pharisiens. Attention, Jésus ne décrit pas ici le portrait-robot d’un pharisien mais il va lister tous les écueils d’une autorité mal ajustée. On peut donc appliquer ce que dit Jésus à des autorités religieuses, mais aussi politiques ou encore à des parents ou à des responsables dans le monde professionnel.

• Le premier piège c’est l’incohérence: « ils disent et ne font pas». Quel parent n’a pas fait l’expérience de voir son enfant lui dire : « Tu me dis de faire ça mais toi tu ne le fais pas ». Nous reconnaissons un décalage entre nos belles paroles et notre vie de tous les jours.
• Le deuxième piège c’est la domination: Jésus reproche aux pharisiens d’avoir le pouvoir et le savoir mais de l’utiliser pour asservir les autres : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens». Combien de fois dans la vie professionnelle cette domination est-elle exercée ! Charger son collègue et se cacher derrière le légalisme du contrat pour ne pas prendre en compte l’humanité d’une situation.

• Le troisième piège c’est la vaine gloire: « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens ». Plus que la juste reconnaissance, c’est le besoin d’être admiré, d’être mis en avant pour ce que l’on fait. C’est un problème très profond aujourd’hui dans notre société : ne vivre qu’au travers du regard des autres. Regardez tout ce qui est mis sur les réseaux sociaux aujourd’hui pour essayer de devenir « influenceur » et donc rechercher une certaine autorité. On prend soin de flatter l’apparence et pendant ce temps-là, c’est l’intérieur qui se fragilise.

L’Évangile de ce jour pointe donc en nous les maladies de l’autorité. En prenant le temps de méditer ce texte, on peut se sentir atteint d’une ou plusieurs de ces maladies. Mais heureusement, la liturgie est bonne avec nous car elle ne dévoile jamais la maladie sans proposer le remède. Aujourd’hui c’est le psaume 130 qui nous le donne. Permettez-moi de terminer par une brève méditation de ce psaume :

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier
ni le regard ambitieux ;
je ne poursuis ni grands desseins,
ni merveilles qui me dépassent.

Seigneur, merci de nous donner ici le remède contre la vaine gloire. Garder notre regard fixé sur la charité que tu nous proposes de vivre au quotidien, dans l’ordinaire de nos vies. Ce n’est pas l’orgueil mais l’humilité qui conduit au ciel.

Non, mais je tiens mon âme
égale et silencieuse ;

Seigneur, merci de nous donner ici le remède contre l’incohérence. Tenir mon âme égale et silencieuse, c’est pouvoir être à ton écoute pour être en vérité dans ma vie. La cohérence entre mon âme et mes actes. Donne-nous la force, Seigneur, de tenir dans cette fidélité à ta Parole.  

mon âme est en moi comme un enfant,
comme un petit enfant contre sa mère.
Attends le Seigneur, Israël,
maintenant et à jamais.

Seigneur, merci de nous donner ici le remède contre la domination. Se reconnaître petit enfant devant Dieu. Pas le patron, pas l’enseignant, pas le prêtre, pas le père ou la mère, mais l’enfant qui s’abandonne dans les bras de Dieu. Donne-nous d’être dans cette attitude d’attente ; pas une attente passive et « attentiste » mais cette attente active de celui qui prépare tout pour la venue de son maître.

Toute autorité reçue vient de Dieu et elle ne peut porter du fruit que si on l’exerce à la manière de Dieu, c’est-à-dire sous forme de service.

Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé,
qui s’abaissera sera élevé. Amen.

Père Thibault de Bruyn