Homélie de la Toussaint

(sauf messe de 11 heures)

La fête de Toussaint est une fête lumineuse pour temps gris !

Nous fêtons tous les saints, les connus ou anonymes, ceux du calendrier liturgique ou de nos familles, tous rayonnants de la lumière, contemplant le Christ dans la Jérusalem céleste !

 Ils nous entraînent sur ce chemin lumineux de la sainteté !

 Oui, dans ces temps sombres et gris de la guerre en Ukraine ou celle de notre Terre Sainte, la fête d’aujourd’hui oriente nos regards vers les saints. 

Quelle idée nous faisons-nous d’eux ? Ils peuvent nous sembler décalés voire à contre-temps de notre monde violent.

Ils sont bien rangés et silencieux dans les vitraux de notre cathédrale … leur sérénité un peu hiératique, n’interpelle même plus, leur beauté apparait un peu lointaine, théorique, inopérante même.

Eux, sont déjà dans l’intimité de Dieu. Ils jouissent déjà de la vision béatifique alors que nous pauvres mortels, restons dans le clair-obscur de la foi ?

Et pourtant ! Que deviendrait notre monde chaotique s’il était privé de sainteté ? Il serait tout simplement invivable !

Entendons-nous bien sur le terme « sainteté » !

N’en restons pas à l’idée de statues poussiéreuses et grisâtres devant lesquelles on vient faire ses dévotions ? Une prière à Saint Antoine quand les clés sont perdues ? A Sainte Claire pour avoir du beau temps ?

La fête de la Toussaint nous ouvre des perspectives infiniment plus vastes ! Elle nous invite à ne pas regarder un à un ceux que le Christ sanctifie. Elle fête, d'un seul mouvement, toute une part de l'humanité que Dieu a accueillie tout près de lui : tous ensemble, Tous saints.

Est-ce un rassemblement ? celui d’une élite ? Non !

Ne cherchons pas ici la perfection ! Ce serait une impasse ! Ne cherchons pas chez les saints un refuge en huis-clos pour échapper à la vie du monde ! Ce serait un sens interdit !

Ne cherchons pas non plus à nous comparer, à vouloir imiter coûte que coûte, tel ou tel saint ! C’est sans doute peine perdue !

Il n’est pas besoin d’être un héros ni un parfait pour devenir saint : il suffit juste d’avoir le désir de Dieu et l’audace de viser plus juste, plus haut, plus vrai dans la vie !

Plutôt que de viser l’impossible perfection morale ou un idéal inatteignable, la véritable sainteté consiste à continuer d’avancer vers Dieu malgré la conscience déchirante de notre propre imperfection. Le saint n’est pas héros, ni la sainteté une performance. Il vaut mieux, parler, comme dit le Concile Vatican II, de la plénitude de l’amour, de l’accueil du don de Dieu dans la fragilité humaine !

Jésus, Lui, n’a jamais pensé « binaire », zéro ou un, noir ou blanc, permis-défendu ! Non, Il était adaptable à tous, à l’écoute de tous, sans raideur, sans inflexibilité, mais plein de compassion, de justice miséricordieuse et de patience.

N’ayons pas peur de demander à Jésus de nous remplir de la sainteté de son amour.

Je sais que les vies familiales sont parfois difficiles : un conjoint malade, irascible, des ados en perte de sens, des parents âgés, des enfants qui divorcent, la précarité sociale etc. ….

Comment viser la sainteté au milieu de tant de souffrances à porter ? Continuer d’avancer dans la paix et la confiance. Celui qui se reconnait « pécheur » rencontre toujours la miséricorde du Seigneur, qui transperce son cœur et c’est à travers cette blessure que la grâce passe.

Le plus triste dans la vie chrétienne est de rester enfermer la dans souffrance, de se replier sur soi-même. Les saints sont comme nous, parfois pire, mais au cœur même de leur faute, ils se sont laissé rejoindre par l’amour du Christ. S’ils sont tombés, ils se sont laissé reprendre par le Christ pour repartir. Les saints continuent le chemin avec le Seigneur et nous entrainent à faire de même.

Ne pas avoir peur, ni de soi, ni des autres, ni de l’avenir, ni de la mort et demeurer debout et vigilants, et faire grandir la bonté et la beauté de l’humain, en luttant contre toute forme d’inhumanité !

Si nous nous sommes laissé endormir dans la médiocrité de nos petits arrangements ou de nos grandes démissions, il est toujours temps de nous réveiller et de laisser Dieu rallumer en nous ce feu de bonheur qu’il veut pour chacun d’entre nous !

« Si le baptême fait véritablement entrer dans la sainteté de Dieu, ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre » disait un jour Jean-Paul II.

« Je crois en la communion des saints » allons-nous proclamer dans quelques instants !

Demandons à nos amis du Ciel, en particulier nos saints patrons, de nous guider sur ce juste chemin de la sainteté des gens ordinaires, au visage rayonnant, qui s’encouragent les uns les autres en accueillant la lumière du Christ et en vivant les Béatitudes. AMEN.

P. Patrice Marivin