Homélie du 4 mai 2025

3^ème dimanche de Pâques - Fête de Saint Vincent Ferrier

Mercredi prochain, au Vatican, va s’ouvrir le Conclave qui élira le nouveau Pape, 267^ème successeur de Saint Pierre !

« Sois le berger de mes brebis » dit Jésus à Pierre !

Et si Saint Vincent Ferrier avait quelque chose à dire à notre Église aujourd’hui, à la (presque) veille d’un tel événement ?

Rappelons-nous le grand schisme d'Occident qui a divisé l’Église en deux courants politiques rivaux pendant presque quarante ans, de 1378 à 1417. Vincent Ferrier a vécu avec angoisse dans cette Église-là, où 2 lignées de papes revendiquaient chacune leur droit de succession sur le siège de Pierre :

• Urbain VI, puis Boniface IX à Rome
• Clément VII à Avignon, puis à la mort de ce dernier en 1394, Pedro de Luna, son ami de toujours, qui prend le nom de Benoit XIII.

Notre Vincent Ferrier, de bonne foi, soutenait Avignon, tandis que Catherine de Sienne, soutenait Rome. Qui avait raison, qui avait tort ?

Vincent Ferrier est un théologien et qui plus est, un homme droit ; sa piété est celle de la tradition dominicaine avec pour devise : « Nous pour Dieu par le Christ ». Vincent voit bien que la rivalité entre les deux papes est un contre-témoignage pour le monde chrétien occidental. Sous l’influence et l’ardeur de Catherine de Sienne, il prend réellement conscience que le pape Benoit XIII qu’il soutient, place ses intérêts personnels au-dessus de l’intérêt de l’Église et du Bien Commun.

Au terme d’une brûlante conversion, il rédige un traité sur le Schisme dans lequel il affirme : « Il ne peut y avoir deux papes parce qu'il n'y a qu'une seule Église fondée par le Christ. C'est un devoir de rechercher le pape légitime et de lui obéir sans réticence, parce qu'il n'y a qu'une seule foi. »

Il décide donc de sacrifier ses préférences, ses choix, ses convictions, ses amitiés ; de renoncer à ses jugements propres pour que l’Église retrouve son unité.

Vincent Ferrier fait le deuil de la fidélité que lui avaient inspirée son intelligence et son amitié pour le pape d’Avignon. Il s’arme de courage et d’abnégation pour reconnaître son erreur et se rallie au pape de Rome.

« Sois le berger de mes brebis » dit Jésus à Pierre ! Sois le gardien de l’Unité et de la Communion de mon Église dit Jésus à celui qui va être Pape dans quelques jours !

Dans chaque célébration de l’Eucharistie, avant de prendre et de distribuer le Corps du Christ, les prêtres prient pour l’unité : « Ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église. Pour que ta volonté s’accomplisse, donne-lui toujours cette paix et conduis-la vers l’Unité parfaite ».

Cette unité de l’Église n’est pas à rechercher comme une stratégie, au sens où l’on pourrait dire : « L’union fait la force ». Dans une société où nous avons tendance à être minoritaires, il faut s’unir. Mais ce n’est pas de cette unité qu’il s’agit.

La vraie nature de l’Église c’est d’être UNE, sainte, catholique et apostolique, parce qu’il n’y a qu’une seule foi, qu’un seul baptême : une unité puisée au cœur même de la Trinité, au cœur de l’amour du Père pour le Fils, et du Fils pour le Père, amour dont procède l’Esprit.

Comme Vincent Ferrier, nous avons tous et chacun, à renoncer à nos propres points de vue, à nos préférences, à nos jugements trop rapides pour préserver le bien supérieur de l’unité de l’Église …. Et aussi de notre communauté paroissiale.

Le Concile Vatican II nous a permis d’approfondir notre foi en l’Église et son Unité. Pour nous parler de cela, le Concile évoque des images qui suggèrent la nécessité d’une vraie communion entre tous ses membres. Il utilise l’image du peuple, du troupeau ; à la suite de Saint Paul, il utilise l’image du corps dans lequel chaque membre à sa part de responsabilité pour le salut de l’ensemble. Parler de communion, c’est tenir le langage de l’être en relation, de l’unité, de la cohérence et de la cohésion.

La communion de l’Église, l’unité entre nous, est un don de Dieu pour son Église mais ce don implique notre responsabilité : il doit être transformé en une vie de communion croissante.

Cette unité n’est pas seulement affective, elle doit surtout être effective. Elle ne vient pas d’abord de nos sympathies, elle ne doit pas être mise en péril par nos antipathies. Sa recherche doit nous pousser à la bienveillance à l’égard des autres et au pardon des offenses.

C’est la croissance en sainteté de chacun de ses membres, par une union toujours plus grande à Dieu, qui fait grandir l’unité de l’Église.

Saint Vincent Ferrier a donné le témoignage par sa propre conversion, par sa propre unité retrouvée, en travaillant à établir la paix entre les hommes.

Il doit être un modèle pour nous, pour les cardinaux qui entrent mercredi prochain en Conclave !

« Sois le berger de mes brebis ». AMEN.

P. Patrice Marivin