Homélie du 5ème dimanche de carême – C – Ile aux Moines
"Il n'a pas dit que tu coulerais... Il n'a pas dit que tu sombrerais... Il a dit : "Passons de l'autre bord. Allons sur l'autre rive" !
"Ne songez plus aux choses d'autrefois" nous dit le prophète Isaïe et Saint Paul nous invite à oublier "ce qui est arrière" pour, lancés vers l'avant, "courir vers le but auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus". Et il sait de quoi il parle, lui, le converti du chemin de Damas...
"Va ! Désormais ne pèche plus !"... Le péché est là, il est commis... Péché et pécheur... Misère et Miséricorde. Dieu plus grand que notre cœur !
Nous pouvons parfois nous enfermer dans le passé : le passé qui accable (nos errances, nos fautes, voire nos crimes) mais aussi le passé qui grise ou qui rend nostalgique (nos succès, nos réussites, nos mérites).
Le Seigneur vient nous en libérer car Lui seul "fait toute chose nouvelle".
Tout laisser, notre fardeau, nos blessures ou nos titres, ne plus nous empêtrer dans le passé -ce passé qui ne passe pas-. Voilà la liberté, le fruit du Salut que le Seigneur nous offre aujourd'hui, si nous consentons à nous laisser attirer par Lui, à nous laisser regarder par Lui, à nous laisser interroger par Lui.
Partageons maintenant un extrait de la méditation de Maurice Zundel (1)
Quand la Femme adultère rencontre le regard baissé de notre Seigneur, c’est tout un univers qui se révèle à elle. Comment ? C’était une pauvre femme. Elle avait cherché dans ce qu’on appelle le péché… Qu’est-ce qu’elle avait cherché ? Peut-être d’échapper à l’enfer de son ménage… Une goutte d’amour, peut-être, pour rafraîchir ses lèvres… Et voilà, elle avait été surprise en flagrant délit et on avait instruit son procès, et on allait la lapider.
Et ceux qui sont le plus empressés à la condamner, qui sont peut-être ceux qui ont abusé d’elle, veulent se servir de cette malheureuse pour mettre Jésus au pied du mur : Qu’est-ce qu’Il va dire, qu’est-ce qu’Il va dire, Lui, dont on dit qu’Il est un prophète ? Qu’est-ce qu’Il va dire, Lui, qui ne parle pas comme les autres ? Qu’est-ce qu’II va dire devant la Loi de Moïse, qui est formelle ? Est-ce qu’Il va se mettre contre Moïse et contre la Loi ? Quelle belle occasion de le jeter dans l’embarras !
Le Christ, Lui, sent immédiatement qu’il ne s’agit pas du bien, qu’il ne s’agit pas de vertu. Il s’agit uniquement de Lui tendre un piège. Et Il en a la nausée, la nausée de penser qu’on se sert de cette misérable pauvre femme, dont Il devine la détresse, pour lui tendre un piège. Il a le dégoût de voir ces hommes qui sont probablement mille fois plus sensuels que cette femme elle-même, Il a le dégoût de les voir jouer avec leur conscience souillée et de jouer avec la conscience de cette femme, simplement pour le mettre, Lui, dans l’embarras.
Et Il comprend la honte de cette femme, sa détresse et, pour ne pas ajouter à sa honte, Il baisse les yeux, II s’incline vers le sol. Et ils Le pressent de questions : « Maître, que dis-tu de cela ? Maître, es-tu d’accord avec la Loi de Moïse ? Maître… »
Il leur répond simplement, en lisant dans leur conscience : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! » Alors, cette voix qui jaillit du fond de leur conscience, cette voix, ils n’y peuvent résister, et ils s’en vont, à commencer par les plus vieux.
Et maintenant, Il peut se redresser, Il peut regarder cette femme, parce qu’elle a changé. Elle est devenue tout à fait autre devant ce respect qu’elle rencontre pour la première fois, devant ces yeux baissés qui ont voulu épargner sa honte, devant cette voix qui a jailli du fond de l’éternelle Vérité.
Elle est autre. Elle n’est plus la femme adultère, elle est la femme qui a rencontré au-dedans d’elle-même ce monde merveilleux qu’elle allait chercher au-dehors et, à travers cet Amour qui est venu à sa rencontre, elle est délivrée, elle est sauvée, elle est purifiée.
Et Jésus n’a plus rien à lui dire que ceci : « Où sont ceux qui te condamnaient ? Il n’y a plus personne ? – Non, il n’y a plus personne – Alors, va, va et ne pèche plus. Va, c’est fini. »
Il n'a pas dit que tu coulerais... Il n'a pas dit que tu sombrerais... Il a dit : "Passons de l'autre bord. Allons sur l'autre rive" !
Béni sois-tu Seigneur de nous rappeler que « Tu es un Dieu de miséricorde, lent à la colère et plein d’amour. Tu ne maintiens pas sans fin tes reproches et Tu ne nous rends pas selon nos offenses. Car c’est ton amour infini et inépuisable qui nous relève toujours ! Amen
(1) Maurice Zundel - Extrait d’une méditation sur le Dieu intérieur à chacun, - Gazhir, 1959