Homélie du - 2ème Dimanche de l'Avent
« Jérusalem, quitte ta robe de tristesse… et préparez les chemins du Seigneur ».
Voici l’appel qui retentit dans le désert, pour le peuple de Dieu d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi commence ce deuxième dimanche de l’avent, par l’annonce d’un Dieu de la joie et de la paix qui vient jusqu’à nous.
Dimanche dernier, l’évangile nous parlait de la venue du Christ à la fin des temps. L’évangile de ce jour nous parle de sa venue parmi nous par sa naissance.
En réalité, comme l’expliquait St Bernard , il y a trois venues de Jésus dans l’histoire :
- La première est celle de sa naissance, dans l’humilité de la crèche . ET pourtant, sa gloire est déjà manifestée par les étoiles, les anges, et les offrandes prophétiques des rois mages venus des extrémités de la terre pour l’honorer.
- Le deuxième est celle de sa venue dans sa gloire à la fin des temps. Mais là aussi, pourtant, il reste vulnérable à cause de sa miséricorde : jusqu’à la dernière heure de ce monde et de notre vie, Dieu se laisse toucher par ceux qui ont un cœur de pauvre.
- Et la troisième, où il est le plus souvent caché, c’est chaque jour quand il vient à nous par sa parole, les sacrements, les frères, les pauvres et les plus petits. « Si quelque m’aime, il gardera ma parole, mon père l’aimera et nous ferons chez lui notre demeure », dira Jésus.
Mais tout commence par sa parole : au commencement était le verbe, et même dans cet évangile, la parole fut d’abord adressée dans le désert à Jean, avant qu’il ne la proclame à son tour.
Le désert, c’est le lieu où Dieu est toujours présent et où l’homme est souvent absent. Un peu comme le cœur de chacun d’entre nous. « Voici que tu étais au-dedans, et moi au dehors, disait saint Augustin. Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi. Dans sa magnifique encyclique sur le cœur de Jésus, le pape François nous le confirme : « Quand le cœur n’est pas vivant, l’homme n’est pas en lui-même, mais en dehors de lui-même… »
Nos frères orthodoxes parlent du temps de l’avent comme du « petit carême ». On est très loin de la frénésie de consommation qui a commencé il y a déjà plus d’un mois, et où le black Friday fait office d’entrée en avent !
La parole de Dieu d’aujourd’hui, avec Jean Baptiste, nous invite au contraire à Le rejoindre au désert, jusqu’à ce que nous soyons dépouillés de nous-même. « Il faut que Lui grandisse et que moi je diminue », dira Jean-le-précurseur . C’est pour moi une des plus belles phrases de l’évangile, car elle concerne à la fois notre relation à Dieu, mais aussi à nos proches, et aux pauvres qu’il met sur nos chemins. Seuls avec Dieu dans le désert de notre cœur, dans le silence et le dénuement, avec sa parole comme seule ressource, nous laisser émonder de tout superflu et de tout sarment qui en nous ne porte pas de fruit.
Etre dépouillé de tout le vacarme de ce monde qui nous envahit pour faire mémoire de la Parole de vie que Dieu nous a adressé le jour de notre baptême : « tu es mon enfant bien-aimé ».
Etre dépouillé de notre superflu, aussi, pour vivre non pas seulement l’aumone, mais un vrai partage avec nos frères et sœurs dans la détresse. 21 000 personnes, hommes femmes et enfants, meurent encore de faim chaque jour dans le monde ! Et combien dorment encore dans la rue, dans nos villes, ou souffrent de la solitude et de l’exclusion. Soyons généreux de notre temps et de notre argent, frères et sœurs : « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ». Donnons même un peu de notre nécessaire !
Demain nous célèbrerons la fête de l’Immaculée Conception, la naissance de la Vierge Marie, bienheureuse parmi les bienheureuses, et qui fut envoyée mystérieusement elle aussi au désert, « où Dieu lui a réservé une place », selon le livre de l’apocalypse. Marie qui proclamait elle aussi, dans son magnificat : le Seigneur comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides ! Elle aussi fut dépouillée, au moins pour un temps, du plus grand bien de sa vie, et son cœur transpercé, par la mort de son fils cloué sur une croix par amour pour nous.
Et nous, frères et soeurs, à la fin de nos jours, enfin totalement dépouillés de nous-même, alors vraiment, « nous Lui serons semblables parce que nous le verrons tels qu’il est » comme le dit St Jean. Mais cette grâce nous a déjà été donnée en germe, dans notre baptême, par l’Esprit Saint, capable de faire en nous toute chose nouvelle !
Alors oui, Jérusalem, quitte ta robe de tristesse !
Il est vrai que nous aurions bien des raison d’être tristes, à cause de l’état du monde, de notre propre pays, et des épreuves qui touchent ceux que nous aimons, mais sans doute aussi de nous sentir, au plus profond de notre cœur, éloignés de Dieu et de nous-même, comme l’enfant prodigue.
Alors quitte ta robe de tristesse, parce que le Dieu qui vient fait des merveilles pour Marie comme pour chacun d’entre nous. Et qu’il a décidé que les hautes montagnes seront abaissées et les vallées comblées . Pour que les ravins de la mort ne puissent nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
Alors, comme dans la prophétie de Baruch, tu verras tes enfants rassemblés du couchant au levant par la parole du Dieu Saint ;ils se réjouiront parce que Dieu se souvient. Car Dieu conduira Israël et nous tous ici avec nos cœurs de pauvres, Dieu nous conduira dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice. AMEN !
Etienne Roginski, Diacre.