Un petit clin d’œil du calendrier liturgique en introduction: ce jour où nous aurions dû célébrer nos anges-gardiens, nous sommes invités par la conférence Saint Vincent de Paul à être les « anges-gardiens » de nos frères !
La parole de Jésus dans l'Évangile de ce jour peut toutefois nous paraître déconcertante. En effet, en la prenant au pied de la lettre, imaginons que celui qui aura travaillé toute la journée à labourer les champs (et à l’époque de Jésus, à la charrue !), celui-là devra encore servir son maître avant de dîner lui-même ! Et s’entendre dire, après tout cela, qu'il n'est qu'un « simple serviteur qui n’a fait que son devoir » !
Aujourd'hui, quand nous nous efforçons de nous faire serviteur du Seigneur, nous aimerions un peu plus de considération, et pourquoi pas espérer une petite récompense, n’est-ce pas ? Ou au moins une parole de reconnaissance ?
Et la première lecture n'est guère plus réconfortante, à première vue. Car c'est encore le cri du serviteur de Dieu, le prophète Habaquc, devant la misère de son peuple. C’est aussi celui des pauvres de tous les temps : « Combien de temps Seigneur, vais-je appeler sans que tu entendes ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regarder la misère ? C'est d'ailleurs cet appel que nous adressent aujourd'hui les membres de la conférence Saint-Vincent-de-Paul, au contact de la détresse des hommes et les femmes de ce temps.
Petite parenthèse concernant le prophète Habaquc qui mérite d’être mieux connu. La détresse qu’il décrit est celle du peuple de Dieu au temps de la déportation à Babylone, et la « vision » qui lui est promise concerne précisément la libération de son peuple, bien des années plus tard, et le rétablissement du royaume d’Israël. Mais je le cite aussi car c’est lui l’auteur de cette louange : « Je bondis de joie dans le SEIGNEUR, j’exulte en Dieu, mon Sauveur », qui a inspiré le Magnificat de la Vierge Marie.
Mais avec tout cela, comment comprendre les textes de ce jour à la lumière de l'Esprit Saint ?
La première réponse, c'est qu'il ne faut jamais lire une parole de l'Évangile seule, isolément, sans la relier aux autres. Comme dans un tableau où nous verrions qu'un petit détail, dans le clair-obscur, sans regarder l'ensemble. Par exemple en parallèle de cet Évangile, entendre la parole de Jésus à ses disciples dans Jean chapitre 15 :« Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». Et également dans l'Évangile de Matthieu au chapitre 25 la déclaration du maître à son serviteur: « tu as été fidèle en peu de choses, entre dans la joie de ton maître ». C'est tellement vrai, que le Seigneur lui-même nous invite à sa table, au banquet des noces éternelles. Et aujourd’hui-même, au cours de cette messe, à prendre part au repas des noces de l’Agneau où Il se donne en nourriture. C'est Lui alors qui se manifeste en plénitude comme le serviteur de tous. Par amour.
Et puis, comme souvent dans les lectures du dimanche, l’épître de Saint-Paul est la clé de lecture des deux autres textes. « Bien–aimé, dit-il à Timothée, ravive le don gratuit de Dieu…. Car ce n'est pas un esprit de peur qui nous as été donné, mais un esprit de force et d'amour. Et avec la force de Dieu, prend ta part des souffrances liées à l'annonce de l'Évangile »
Et tout cela, fais-le « dans la foi et dans l'amour qui est dans le Christ Jésus…. avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous ».
« Désormais, trois choses demeurent », dit encore Saint-Paul, dans l’épitre aux Corinthiens :. « La foi l'espérance et la charité. Mais la plus grande des trois c’est la charité ». La charité, c’est-à-dire l’amour, qui est le don de l’Esprit Saint par-dessus tous les dons.
C'est donc le message à retenir des trois textes de ce jour, et c'est celui de toute la Bible : seul l'amour, reçu de l’Esprit Saint, peut nous faire tenir debout dans les épreuves, dans le service quotidien, au sein d'une famille, dans le travail ou la mission d’Eglise qui qui nous a été confiée, et particulièrement au service des pauvres que nous rencontrons. Comme le disait Saint-Vincent-de-Paul : « Si nous avions un peu de cet amour, resterions-nous les bras croisés ? »
Et si nous agissons ainsi en tout chose, par amour, nous devrions le faire gratuitement, sans attendre de récompense (comme le dit la prière scoute…). Est-ce que les parents, par exemple, qui prennent soin de leur enfant depuis sa naissance (avec toutes ces nuits sans sommeil …), en passant par son adolescence, (qui n'est pas la période la plus facile…), et plus tard dans sa vie professionnelle, conjugale et familiale et jusqu’à la fin de leurs jours ; est-ce que les parents ne font pas tout cela par amour, sans attendre aucune récompense en retour ? Oui, ces parents-là peuvent reprendre en vérité la parole de Jésus : « nous sommes de simples serviteurs, nous n'avons fait que notre devoir ».
En vérité, s’il est une récompense pour les serviteurs de Dieu, elle dépasse très largement nos mérites : c’est le don de Dieu gratuit de la vie éternelle qui nous est promise, et déjà inaugurée dès le jour de notre baptême !
C’est le sens du dernier verset de la 1ère lecture : « Celui qui est insolent n’a pas l’âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité.
Le monde moderne, et particulièrement occidental, est insolent avec Dieu : il le traite comme le ferait un enfant trop gâté, persuadé d’être le centre du monde, et méprisant y compris envers celui qui lui a donné la vie. Mais le juste, lui, celui qui est « ajusté » à Dieu, et juste envers les pauvres, celui-là « vivra », de la vie éternelle, par sa fidélité.
On m’a raconté qu'un prêtre avait trouvé un grand crucifix dans le grenier de son presbytère, mais un crucifix auquel il manquait les bras du Christ. Mais il avait trouvé ce crucifix malgré tout si beau qu’il l’avait accroché dans son église. Et quand des touristes de passage, ou même des paroissiens, lui faisaient la remarque : « Mais où sont passés les bras de ce Christ ? ». Il répondait : « Les bras du Christ, mes amis, c’est vous ». C’est l’appel de Saint Vincent-de-Paul qui nous est adressé en ce jour : « Vous être les bras et les mains du Christ, celles qui consolent et soutiennent tous les blessés de la vie ».
Comme l’actualité est très riche, permettez-moi d’évoquer aussi le message du Pape François, à l’occasion du mois de prière pour la Sauvegarde de la Création qui se terminera le 4 octobre avec la fête de Saint François d’Assise, mais qui concerne aussi l’attention aux pauvres :
« Ce temps, dit le pape François, est l’occasion de cultiver notre conversion écologique”, une conversion encouragée par saint Jean-Paul II. D’abord, c'est notre sœur- mère la terre qui crie. À la merci de nos excès de consommation, elle gémit et nous supplie d’arrêter nos abus et sa destruction. D’innombrables espèces sont en voie de disparition, cessant à jamais leurs hymnes de louange à Dieu. Mais ce sont aussi les plus pauvres d’ entre nous qui crient. Exposés à la crise climatique, les pauvres subissent le plus durement l’impact des sécheresses, des inondations, des ouragans et des vagues de chaleur qui continuent à devenir plus intenses et plus fréquents ». Et il souligne : « Vivre la vocation de protecteurs de l’oeuvre de Dieu n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne »
En conclusion, et après avoir évoqué plusieurs grands saints, je cite Sainte Thérèse de Lisieux que nous devrions fêter aujourd’hui, et dont le message résume tout l’évangile: « Aimer c’est tout donner, et se donner soi-même » ! Amen.
Etienne ROGINSKI - Diacre