En plein cœur de l’été, alors que beaucoup d’entre nous aspirent à un temps de repos bien légitime, nous sommes confrontés à deux attitudes : celle de Marthe, qui tient coûte que coûte sa mission et celle de Marie qui se met dans une écoute totale du Seigneur. Ayant bien sûr tous en mémoire l’édito que notre curé nous a adressé sur « l’éloge spirituel du repos », la tentation est grande de se dire que durant cet été nous avons choisi notre camp, il s’agit d’être des « Marie ». C’est-à-dire de se mettre aux pieds de notre Seigneur et de recueillir sa parole. C’est une très belle attitude que l’on peut mettre en pratique grâce à cette période estivale qui nous donne plus de liberté dans notre emploi du temps.
Fin de l’homélie ?
Pas de chance, votre vicaire n’est pas encore en vacances mais pense déjà à la rentrée où nous reprendrons notre tablier de Marthe. Nous regretterons alors avec nostalgie, ce temps béni où nous avons pu, l’espace d’un instant, être des Marie et prendre la meilleure part.
L’Évangile d’aujourd’hui ne nous propose pas d’être des Marie sur de courtes périodes et le reste du temps de « serrer les dents » en étant des Marthe affairées ! L’Évangile nous propose quelque chose de bien plus profond. Il nous propose d’ordonner notre vie pour qu’elle soit unifiée.
Marthe, dont le nom signifie la maîtresse de maison (celle qui dirige), remplit pleinement sa mission en préparant tout, au mieux pour son hôte. Elle accomplit sa vocation, comme une mère de famille peut le faire en organisant les activités de ses enfants, comme un retraité peut le faire en se donnant dans toutes sortes de bonnes œuvres. Elle est donc entièrement là où elle doit être, réalisant son devoir d’état. Il est bon de nous rappeler que c’est avant tout dans notre devoir d’état que nous nous sanctifions.
Mais alors que manque-t-il à Marthe ?
Marthe s’est laissée accaparer par le côté extérieur de sa mission au point d’en oublier le but profond : tout préparer pour se rendre disponible. Bien souvent, nous tombons dans le même écueil : nous sommes affairés mais en perdant de vue la finalité qui est d’être toujours plus disponibles pour le Seigneur et de permettre aux autres d’être eux aussi disponibles pour écouter le Seigneur.
Alors que faire ?
Regardons l’attitude de Marthe. Sûre de son bon droit, elle interpelle Jésus pour qu’il lui confirme qu’elle remplit bien sa mission et que c’est sa sœur Marie qui ne fait pas sa part du travail. Mais Jésus veut donner la possibilité à Marthe de faire un pas de plus. En lui disant que Marie a choisi la meilleure part, il lui remet devant les yeux la finalité de sa vocation. Et Marthe, loin d’être vexée, accueille cette parole de Jésus. Nous l’avons entendu lors de l’Alleluia : « Heureux ceux qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance ». C’est cet itinéraire que Marthe va suivre. D’abord laisser raisonner la parole du Seigneur dans son cœur, puis la retenir et enfin changer sa manière d’agir pour porter du fruit selon cette parole. Nous pouvons le voir lors de l’épisode de la mort de Lazare où Marthe sort à la rencontre de Jésus alors que Marie restait assise à la maison (Jn 11, 20). Cette fois-ci, Marthe va faire l’une des plus belles professions de foi de l’Évangile : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde » (Jn 11,27). Elle a réussi, par la persévérance, à mettre de l’ordre dans ses actions pour unifier sa vie et se recentrer sur l’essentiel : le Christ.
Sainte Marthe est pour nous le modèle du disciple qui approfondit sa relation au Christ par les actions de son devoir d’état. Lorsque j’étais au séminaire dans le sud de la France, j’ai eu la chance pendant 3 ans d’être dans la paroisse qui abrite le tombeau de Sainte Marthe. J’ai souvent prié auprès de ses reliques et j’ai pu méditer cette phrase qui était devenue sa devise et qui est inscrite au-dessus de son tombeau : « sollicitée mais non troublée ». Marthe a donc continué d’assurer sa mission de maitresse de maison mais cette fois en ayant conscience qu’en exécutant sa tâche pour l’amour du Christ, elle se mettait à son écoute et à son école.
Puissions-nous devenir de plus en plus comme Sainte Marthe, sollicités mais non troublés, devant toutes les tâches à effectuer dans notre vie. Afin qu’en accomplissant avec amour, dans la persévérance notre devoir d’état, nous entendions le Christ nous dire : tu as choisi la meilleure part, elle ne te sera pas enlevée. Amen.
Abbé Thibault De Bruyn